«Dans notre famille, il n’y a pas d’histoires», disait ma mère…. J’ai eu des doutes. Est-ce pour cela que je suis devenue historienne ?
Confrontée aux procès de sorcellerie conservés aux Archives cantonales vaudoises, j’ai cherché, au-delà du stéréotype du sorcier ou de la sorcière diabolique, les indices qui permettent d’entendre une voix plus singulière et authentique. A partir de cette voix, rendue ténue par les siècles écoulés, j’ai parfois pu recomposer le récit que la torture avait aliéné.
Lentement, je me suis détachée de ce passé tragique et violent, comme on ferait la paix avec une partie de soi. Et j’ai eu envie d’être bousculée au présent, en endossant le rôle de l’enseignante (2004). Depuis, je côtoie des adolescents et assiste à leur métamorphose, au gré des histoires, des textes et des images que nous partageons.
Parallèlement à l’enseignement du français et de l’histoire (Gymnase de Morges), je me suis formée au recueil de récits de vie à l’Université de Fribourg (2017). L’expérience de la mise en écriture de ma propre histoire de vie a été fondatrice. Ce fut une manière de rassembler les traces, de travailler le deuil de la maternité et de naître à une identité plus vaste.
Quant aux récits des autres, j’ai vite été convaincue de l’importance de l’écoute à offrir pour que la parole livrée soit féconde. Dès lors, j’envisage le récit de vie comme une occasion de croissance et me propose de cheminer aux côtés de celles et de ceux qui souhaitent travailler leur propre histoire, individuellement ou en groupe (Ma vie, quelle histoire ?).
Mon accompagnement a d’abord été fondé sur l’approche de Jean Monbourquette que l’association Estimame et Isabelle d’Aspremont continuent de faire vivre. Après l’obtention d’une accréditation d’animatrice, en mars 2019, j’ai évolué vers une pratique plus personnelle. Cette évolution doit beaucoup à Patricia Radice, guérisseuse, auprès de qui j’ai accompli une formation de thérapeute (2020). Ainsi mes activités intègrent dorénavant des soins; ils permettent d’apaiser durablement blocages, souffrances et peurs, dont les racines sont dans l’inconscient et que le récit de vie ne saurait guérir.
Notre histoire de vie ressemble à une terre argileuse et malléable. Avec nos mots et nos silences, au plus près de notre vérité, elle se laisse façonner, modeler et tourner jusqu’à prendre la forme par laquelle jaillit le sens auquel nous aspirons. Transformée en récits, nous pouvons mieux la regarder, l’écouter, l’aimer. Ainsi, nous devenons créatrices et créateurs de notre propre histoire. Et, sans que nous le décidions ou le mesurions rationnellement, ce que nous racontons ouvre en nous de nouvelles possibilités. Cette ouverture peut nous amener sur le chemin de la guérison.